Savoir renoncer (Olivier GOLA )

il pleut sans discontinuité sur le Vercors depuis plusieurs jours. Lundi 14 mai 2018, la pluie cesse enfin et nous décidons de nous rendre dans la partie basse du canyon du Versoud, en vue de préparer le prochain stage de recyclage des cadres prévu dans quinze jours. Comme on s’y attendait, le canyon est en crue et impraticable (mais peu importe nous avons prévu d’accéder à pied d’oeuvre par les berges). Parvenus en haut de la grande cascade par la forêt, nous apercevons un pratiquant, seul !!, en train d’équiper la grande cascade…

La chute d’eau gonflée par les pluies de la veille est impressionnante. La bassine intermédiaire suspendue, transformée en véritable machine à laver tournoie et elle est entièrement recouverte d’écume……De toute évidence ce jeune homme, inconscient du danger, s’apprête à prendre des risques inconsidérés et nous décidons d’intervenir.

 Je m’empresse de le rejoindre pour discuter avec lui et le dissuader à tout prix de s’engager. Il ne fait parti d’aucun club et n’est pas de la région. Je parviens à le raisonner et à le persuader de s’échapper du canyon. En contrepartie, je lui propose de le prendre en photo en guise de souvenir.   Le soir même, il prendra le soin de nous remercier par mail pour notre intervention qui lui a peut-être évité le pire.

Voici à quoi ressemble la même cascade en conditions plus « normales » pour notre activité.

Cette anecdote qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques et qui n’est pas sans nous rappeler l’accident de Pierre METZGER survenu un an plus tôt, au même endroit nous touche plus particulièrement et ne peut pas nous laisser indifférents. Lire l’article

Elle met en lumière la difficulté que nous avons à évaluer et à prendre en compte le risque et surtout notre capacité à renoncer qui est sans doute la décision la plus difficile à appréhender pour de multiples raisons.

Si le risque zéro n’existe pas en canyon, la vocation des clubs est de promouvoir une pratique la plus sécuritaire possible ; cette responsabilité est collective et nous concerne tous. Lorsqu’on a un doute sur la faisabilité d’un canyon c’est qu’il est grand temps de renoncer car faire preuve de prudence c’est agir bien avant d’y être contraint.

Savoir renoncer n’a rien de déshonorant, bien au contraire,  c’est une qualité qui vous valorise car contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas facile du tout.

Savoir renoncer c’est être capable de remettre en question ses choix de manière objective, en ne tenant compte que du risque et sans se laisser influencer par son amour-propre, ses désirs, ceux de son entourage ou toutes autres considérations.

C’est aussi être capable d’entendre et de prendre en compte les doutes ainsi que les appréhensions de chaque membre de l’équipe pour réévaluer la situation et redéfinir les objectifs ensemble.

Savoir renoncer c’est tout simplement faire preuve de responsabilité car rien ne peut justifier de risquer sa vie et à plus forte raison celles des autres en canyon.

Lors de notre discussion, ce jeune homme m’a expliqué que sa petite amie en découvrant le débit depuis le pont en aval a décidé de ne pas s’engager avec lui dans le Versoud et de l’attendre au parking. C’est à ce moment là qu’il aurait dû renoncer. Cela n’aurait -il pas été une belle preuve de sagesse et de maturité d’esprit ,voire même tout simplement d’amour pour elle et la vie.

A méditer 

Olivier GOLA

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