Et au milieu coule une Riviera (Ghislain Fornier de Violet)

La côte ligure, en Italie, est un terrain de jeu pour mordus de canyoning. Une escapade idéale pour débrancher et… recharger les batteries.

On voulait lâcher prise, faire le vide…, nous voilà servis. Car c’est littéralement par un saut dans le vide, d’une dizaine de mètres, que débute la descente du canyon du Barbaira, en Italie, en pleine terre ligure. “C’est pas le moment de croiser un chat noir”, nous avait taquiné Michel Rostagni, notre guide, avant l’ascension d’une demi-heure depuis Rocchetta Nervina, bourgade médiévale aux ruelles entrelacées, jusqu’au point de départ.

On avait ricané sous cape. Mais du haut de notre pont de pierre reconverti en plongeoir, on fait finalement moins les fiers. Face à cette nature authentique, pourtant si proche de la bourdonnante Riviera italienne, l’homme est nu. Enfin presque. Une combinaison en néoprène nous protège quand même d’une eau à 14 °C (l’enfiler est un sport en soi). Casque, baudrier, mousquetons et chaussons étanches glissés dans nos baskets complètent la panoplie.

“On se croirait aux Caraïbes”

Après l’adrénaline du saut, l’aventure peut commencer. À mesure que l’on s’enfonce dans les entrailles du défilé – passage étroit entre deux montagnes – le sage décor de vignes et d’oliviers de la vallée de la Nervia laisse place aux chaos rocheux, chutes et piscines d’eau douce. Si le début du torrent coule de source, ça se complique assez vite. Considérées comme “assez difficiles”, les gorges du Barbaira offrent pléthore de sauts et glissades sur toboggans naturels. Mais pour les moins assurés, il y a toujours la descente en rappel, avec l’aide de notre accompagnateur.

Guide de moyenne montagne chevronné, Michel pratique depuis plus de 20 ans les nombreux canyons de part et d’autre de la frontière. Et il sait y faire pour les mettre en valeur. “Un peu plus en contrebas, vous verrez, on se croirait aux Caraïbes”, nous promet-il. Exubérance méridionale, se dit-on. Avant de vite se dédire. Plus encaissée, davantage isolée du soleil, cette partie du défilé accueille une végétation luxuriante d’aspect tropical : lierre, lianes et fougères surplombent des bassins azuréens alimentés par de petites cascades.

Temps suspendu

C’est vrai qu’à son échelle, l’endroit pourrait se comparer à la Dominique, l’île antillaise aux 300 rivières. L’eau glacée en plus (en été, elle frôlerait les 19 °C). Dans un réflexe, on se palpe à la recherche d’un smartphone pour immortaliser le tableau. Mais les gadgets n’ont pas voix au chapitre en ces lieux. Les montres aussi ont été laissées au vestiaire, pour ne pas les abîmer. Est-ce pour ça que le temps semble ici s’écouler plus lentement ? Pour parcourir les 2,5 kilomètres du canyon, il nous a fallu un peu moins de quatre heures.

 

Lessivés mais heureux, nous sommes rapatriés au gîte d’étape de Michel, à Breil-sur-Roya. À l’image de la journée, la nuit sera exotique : deux larges yourtes mongoles nous accueillent chez notre hôte. La déconnexion continue, même si les yourtes sont tout de même équipées de… prises électriques. En contre-haut du village, la propriété offre une jolie vue sur la vallée de la Roya et le parc naturel du Mercantour tout proche. Cerise sur le gâteau : le spa du gîte et son jacuzzi en plein air, pilotés par Maria, esthéticienne et épouse de Michel. Décidément, en Ligurie, on n’a jamais fini de barboter.

 

Source : article publié dans Le Point le 14/06/2013