Canyons : le plaisir en toute sécurité

Evacuer un blessé dans un canyon : l’exercice ne s’improvise pas, technique comme le terrain lui-même. A pied d’oeuvre cejour -là à Licq-Athérey dans la Soule, vingt secouristes s’engouffrent dans le canyon Erekelta.

Le Groupement départemental de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (GRIMP 64) va descendre une victime -fictive- par le bas. Rituelle avant l’été, la simulation est nécessaire.

Et toujours d’actualité, la prévention contribue à la rareté des accidents (1). Les secouristes sont prêts. Et vous ? En canyon, selon les conditions et l’état du blessé, il s’écoule une demi-heure à trois heures entre sa localisation et le secours. C’est long si la prévention a été négligée. Tour d’horizon des bons réflexes du plus basique au plus technique. Dire à son entourage où on va et donner une heure approximative de retour est le B.A. BA de la sécurité. L’information réduit le temps d’intervention : alertés vite, les secouristes gagnent en efficacité pour localiser le blessé. Mais nombreux sont les usagers à faire encore l’impasse sur cette précaution élémentaire.

Vitesse, oui, précipitation, non

A la fraîche dans l’eau vive, on n’a pas trop chaud. Et on ne s’hydrate pas. « Le terrain, glissant, impose une grosse concentration et un effort physique prolongé. On s’épuise vite sans s’en rendre compte. En combinaison, on se déshydrate énormément » souligne Cédric Carmouze, adjoint-en-chef du GRIMP supervisant formations et exercices de secours. Pour garder votre énergie, buvez sans attendre d’avoir soif. Les précautions inhérentes aux activités montagnardes s’appliquent au canyoning, soumis aux aléas météorologiques. « Il faut s’informer des conditions le jour même et aussi de celles de la veille et du lendemain. Et savoir solliciter l’avis des professionnels ».

En clair, prendre son temps avant de s’engager. Ensuite, la vitesse est gage de sécurité. La « safe » attitude ? Aller vite en terrain facile pour consacrer temps et calme aux manoeuvres. Partir au moins à trois: « C’est le minimum pour qu’un blessé ne soit pas seul à attendre. A trois, l’un va chercher du secours, l’autre reste avec la victime. ». En revanche, un groupe de plus de dix personnes constitue une prise de risque sauf si chacun est totalement autonome. Evoluer en nombre complique les manoeuvres et demande plus de temps.

Un kit anti froid

Avoir de quoi se nourrir est une précaution basique mais le froid est l’ennemi n°1. « Il faut pouvoir se mettre à l’abri. » Réchaud, couverture de survie et bougies ne sont pas optionnelles. Un blessé immobilisé et mouillé risque l’hypothermie. « Assis sous une couverture de survie avec une bougie allumée, il sera au chaud ». Pour les adeptes de la verticale, couper la corde est un geste extrême. Dans la symbolique, il est contraire à la sécurité -cette même corde permet d’évoluer sans tomber. « Avoir un couteau est nécessaire. Si votre compagnon se coince sous une cascade, il faut couper la corde. »

Côté cordes, pas question d’être sous-équipé. Prévoyez le double de longueur que la plus haute des cascades du canyon et une corde supplémentaire de sécurité. On ne s’engage pas sans maîtriser les techniques d’évolution, manoeuvres de cordes comprises. Et en cas de pépin ? Les techniques d’auto-secours, dites de réchappe, nombreuses, sont mal connues des pratiquants. Qu’ils se rassurent : « Ce n’est pas la peine de connaître 10000 techniques au risque de les mélanger. En maîtriser une seule suffit mais c’est nécessaire ».

(1) En 2010, quatre secours ont eu lieu en Béarn et Soule dans les canyons, fréquentés en moyenne par 18 000 personnes en saison. La rareté des accidents s’explique en partie par la technicité des canyons, qui attirent des pratiquants autonomes aguerris et bien informés.

===> Repères

l 25 à 30 personnes par jour fréquentent en saison le canyon Erekelta à Licq-Athérey : de niveau intermédiaire, l’itinéraire offre une descente de 3 à 4 heures avec six échappatoires pour sortir en cas de besoin.

l Sur les 180 canyons recensés dans les Pyrénées-Atlantiques, 80 sont fréquentés par les amateurs et 100 par une toute petite minorité de pratiquants très aguerris en raison de leur technicité et de leur caractère « terrain d’aventure».

l 18000 pratiquants fréquentent chaque été les canyons de Béarn et Soule, 10000 en vallée d’Ossau et 8000 dans la Soule.

===> Evacuation en terrain et en temps réels

Pour cette simulation d’évacuation, les secouristes choisissent la situation la plus délicate pour eux : ils descendront la victime par le bas du canyon.

Les conditions météo ne permettent pas d’évacuer le blessé en hélicoptère. Equipés et concentrés, les secouristes sont sur place au-dessus de Licq-Athérey et Sainte-Engrâce, prêts à s’enfoncer dans les gorges de Kakuetta : ils attendent l’appel radio et les informations du groupe de reconnaissance chargé de localiser le blessé. Qui se trouve coincé sur une vire.

Première étape cruciale

« C’est un canyon à tendance très verticale et exiguë. Secourir une victime dans un tel contexte peut mobiliser une trentaine de personnes » précise Lionel Aubriot, responsable des formations au secours en canyon dans le département. Le canyon Erekelta, autrement nommé canyon des gendarmes, est le théâtre d’un exercice de simulation d’évacuation en terrain et en temps réel. Y prennent part une vingtaine de secouristes du Groupement de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (GRIMP), dont dix stagiaires en formation venus de toute la France.

La première étape est cruciale : trois secouristes formant un groupe de reconnaissance sont dépêchés dans le canyon avec la mission de localiser le blessé. « Au moins une des trois personnes connaît le canyon car l’objectif est d’aller le plus vite possible ». Cordes et matériel de progression, kit de premier secours et point chaud pour mettre la victime à l’abri, ils emportent le minimum… une quinzaine de kilos dans les sacs. Une fois sur place, ils préviennent le reste de l’équipe et décident de l’équipement et de la technique d’évacuation. Cette fois, ils descendront le blessé par le bas. « C’est plus rapide de remonter une victime, mais nous avons choisi la situation la plus délicate pour nous ».

La civière de mains en mains

Côté matériel, l’équipe de secours teste une toute nouvelle fusée de détresse et côté manoeuvres, la stratégie est aussi technique que le terrain lui-même. La victime -un mannequin en l’occurrence- est évacuée sur une civière… par corde ou à dos d’homme selon les méandres du canyon. Par endroits les secouristes forment une chaîne pour faire passer la civière de mains en mains au-dessus de leurs têtes. Compliquée par la configuration du site, l’évacuation durera près de deux heures trente. Et les secouristes ont un aperçu direct de ce que peut vivre leur blessé : pour connaître l’autre côté du miroir, ils peuvent s’ils le souhaitent prendre la place du mannequin dans la civière.

Source : article réalisé par Marie-Pierre COURTOIS et publié le 6 aout 2011 par la République des Pyrénées Voir l’article publié par la Republique des Pyrenees