Suisse : drame dans le canyon de Saxet-Bach (Laurent MARCAILLOUD)

29/07/1999 : L’accident de canyoning, qui a fait 19 morts, 6 blessés et 2 disparus en Suisse, pourrait être dû à la rupture d’un barrage naturel formé par des branches après un violent orage.

L’enquête sur les circonstances du drame, avant-hier dans les gorges de Saxet-Bach, près d’Interlaken au centre de la Suisse, sera longue. La recherche des victimes s’avère particulièrement compliquée. Le juge d’instruction chargé de l’enquête, Martin Trapp, s’est voulu prudent, hier. Il s’est contenté de constater qu’un orage avait effectivement éclaté à peu près au moment où les 53 membres d’une expédition, Américains, Australiens, Britanniques, Néo-Zélandais, Sud-Africains et Suisses, se trouvaient dans les gorges de Saxet-Bach. Peu après cet orage non prévu par les services de la météorologie, les eaux de la rivière traversant ces gorges se sont «démesurément» gonflées, a indiqué le maire d’une commune voisine.

Rupture d’un barrage naturel ?

En revanche, le père d’une des rescapées, Len Brajkovic, a estimé que cette brusque montée des eaux pourrait être due à la rupture d’un barrage naturel. Hypothèse écartée par les sauveteurs car aucune construction de ce type n’existe sur cette rivière. Après l’hiver particulièrement rigoureux qu’a connu la Suisse avec d’exceptionnelles chutes de neige, de nombreux barrages naturels se sont formés dans les cours d’eau de montagne, par l’entassement de branches ou de troncs d’arbres et de pierres.

Le groupe était «dans le lit de la rivière quand l’eau a subitement tout emporté», a raconté l’un des survivants.

L’institut de médecine légale de Berne a été chargé d’autopsier les corps des 19 victimes pour tenter de comprendre les raisons de leur mort, par noyade ou à la suite de chocs multiples.

«L’enquête sera longue», notamment pour identifier les victimes, a averti le juge d’instruction. Elles étaient toutes équipées de combinaisons flottantes et isolantes, à l’intérieur desquelles elles n’avaient pas glissé de papiers d’identité ou d’objet de reconnaissance. «Il faudra vraisemblablement procéder à des examens approfondis, notamment de la dentition des victimes ou de leur ADN, pour parvenir à un résultat définitif», a expliqué le juge. La procédure prendra «plusieurs jours et peut-être des semaines».

L’organisateur de l’expédition, Georg Hoedle, directeur de l’agence de sports extrêmes Adventure World, reconnue pour son sérieux, ne s’explique pas les raisons de ce drame. «Il s’est produit quelque chose d’imprévisible, d’inhabituel», a-t-il dit. L’agence dit bien connaître les gorges de SaxetBach, longues d’environ 300 m, puisqu’elle y envoie des amateurs de plus en plus nombreux de canyoning. Elles sont mêmes considérées comme «une route facile» pour ce sport, selon Georg Hoedle, car elles sont équipées de nombreux points d’ancrage et de «sorties de secours».

Source article publié le 29/07/1999 par « La Dépêche »

Il y a 20 ans, l’accident de canyoning de Saxetbach faisait 21 morts

Le 27 juillet 1999, la crue subite du Saxetbach emportait quatre groupes de touristes pratiquant du canyoning, pour un bilan de 21 morts. Le drame a entraîné un durcissement des lois sur les activités à risque.

La crue subite est due à un violent orage qui avait éclaté vers 16h30 au-dessus du bassin versant en forme d’entonnoir qui alimente le Saxetbach. En peu de temps, le torrent grossit fortement.

Quatre groupes d’un organisateur de tours de canyoning se trouvent à ce moment-là sur le cours d’eau, avec au total 45 touristes. Les deux groupes du milieu ainsi qu’une personne du premier groupe sont emportés par la vague constituée d’eau, de pierres et de branches.

Le bilan est communiqué en fin de soirée: 21 personnes originaires d’Australie, de Nouvelle Zélande, d’Angleterre, d’Afrique du Sud et de Suisse se sont noyées. Elles étaient âgées de 19 à 32 ans.

Un orage invisible

Les guides avaient contrôlé la météo avant le départ et jugé que l’excursion était possible. Depuis l’endroit où ils avaient pénétré dans les gorges, ils ne pouvaient cependant pas voir qu’un orage se préparait au-dessus du bassin versant.

Lorsque la crue s’est déchaînée, ils ont essayé de sauver autant de touristes que possible. Deux d’entre eux ont payé cet acte de bravoure de leur vie.

La question des responsabilités

Après l’accident, la question des responsabilités suscite une vaste controverse. Deux ans et demi après la catastrophe, un procès s’ouvre à l’encontre des responsables.La pierre commémorative du drame du Saxetbach. [Alessandro della Valle - Keystone]La pierre commémorative du drame du Saxetbach. [Alessandro della Valle – Keystone]

Alors que les deux guides sortis indemnes sont acquittés, les six personnes à la tête de l’entreprise Adventure World sont condamnées pour homicide par négligence par le tribunal d’Interlaken. Ils écopent de trois à cinq mois de prison avec sursis et d’amendes de 4000 à 7500 francs. Le juge leur reproche un « concept de sécurité insuffisant ».

A l’époque, le marché des sports à risques était en plein essor dans la région. Les acteurs de la branche étaient saisis d’une véritable fièvre. Et il n’y avait pas véritablement de règles pour encadrer ces activités « outdoor »

Les enseignements

Les choses ont évolué après le drame. La formation des guides a été améliorée et les entreprises actives dans le domaine sont soumises depuis 2014 à une nouvelle loi sur les guides de montagne et des organisateurs d’autres activités à risque.

Ce texte a même été durci depuis début mai dernier. Les organisateurs d’activités comme le saut à l’élastique, les randonnées alpines, le rafting ou le canyoning, qui perçoivent ne serait-ce qu’un franc dans le cadre de leurs activités, devront désormais être en possession d’une autorisation cantonale. Auparavant, une limite de 2300 francs était fixée.

Le souvenir

A l’écart de cette frénésie, dans un endroit calme de la région, une pierre commémore le drame. Les noms des 21 victimes du 27 juillet 1999 y sont gravés. Encore aujourd’hui, des centaines de messages y sont apportés par des visiteurs voulant être en pensée avec celles et ceux qui ont perdu la vie en assouvissant leur goût de l’aventure.

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