Rappels : le Beal Escaper

Avec ce système de rappel éjectable, Beal fait la promesse audacieuse de permettre des rappels en utilisant toute la longueur de la corde. Alors, Saint-Graal de la descente en rappel ou gadget scabreux ?
Le problème fondamental du rappel, c’est de pouvoir récupérer la corde.

Lors d’un rappel classique, il faut qu’elle soit deux fois plus longue que la falaise que l’on veut descendre. Et qui dit corde deux fois plus longue, dit corde deux fois plus lourde. Depuis l’invention du rappel par Jean Charlet-Straton au Petit Dru lors d’une tentative infructueuse le 13 juillet 1876, les alpinistes cherchent à concevoir des systèmes qui permettent de descendre sur une corde simple et de la récupérer.

Le plus célèbre de ces systèmes est sans doute le fameux Décrocheur de Pierre Allain, génial inventeur et alpiniste à qui l’on doit les chaussons d’escalade, le descendeur, le mousqueton léger et même le sac de couchage en duvet ! La corde, attachée à un crochet à ressort, ne tient que par la tension due au poids de l’alpiniste qui descend. Dès que le grimpeur libère la corde de son poids, le ressort fait sauter le système qui tombe alors avec la corde. Astucieux mais scabreux !

Pendant longtemps, ce genre de système kamikaze n’a été utilisé que par quelques extrémistes casse-cou ; se pendre à un crochet maintenu par un élastique n’étant étrangement que peu populaire chez les grimpeurs. 
Mais il y a quelques années, Beal a sorti un nouveau dispositif permettant de descendre en rappel sur un seul brin de corde et de le récupérer. On ne va pas se mentir, les systèmes de rappels éjectables provoquent toujours une petite suée quand on les essaye, mais le simple fait qu’une marque ose sortir un tel produit en 2017 m’avait déjà rassuré. 

La corde est attachée à un Machard tressé en Dyneema® dans lequel passe un morceau de corde relié au relais. Sous le poids du grimpeur, le Machard se serre sur le morceau de corde et empêche le système de se défaire. Arrivé en bas du rappel, le grimpeur imprime des secousses à la corde ce qui, avec l’aide d’un élastique, fait coulisser le morceau de corde dans le Machard. Au bout de quelques secousses, le système finit par tomber. 
Beal indique que huit tractions sont suffisantes pour libérer l’Escaper. Dans les faits, c’est souvent davantage, surtout si le rappel n’est pas vertical et que la corde frotte sur le rocher. Ce qui finalement est plutôt rassurant ! Même s’il est nécessaire de se familiariser avec son utilisation avant la première sortie, l’Escaper est bien conçu et plutôt très fiable par rapport aux autres systèmes de rappels éjectables. Au début, j’avais peur que le système ne coulisse pendant la descente en relâchant accidentellement la tension sur la corde, mais il suffit de 10 kg de pression pour maintenir le système en place. Et si l’on est deux, la descente du premier peut être sécurisée en réalisant un nœud sur la cordelette de l’Escaper, ce qui l’empêche de glisser et permet au premier de descendre sereinement. De plus, l’installation est rapide et la notice présente sur la housse permet de se rassurer lors de la mise en place.

 

Escaper sans tension
Mais son utilisation présente également quelques contraintes :

► le système descend de 50 cm le début de la corde et c’est parfois compliqué de se mettre en position en douceur ;
► l’Escaper nécessite un relais avec point central unique en métal pour bien fonctionner. Deux points non reliés ou une simple cordelette rendent la récupération du système beaucoup plus difficile ;
► il augmente le risque de coincer la corde ;
► enchaîner plusieurs rappels est vite fastidieux mais ce n’est pas sa fonction première ;
► mal utilisé, le risque est mortel, mais c’est le cas pour toutes les manips en escalade ! 
► les conditions humides ou de gel rendent son fonctionnement plus aléatoire.  

Finalement, l’Escaper est vraiment devenu pour moi un essentiel de mon fond de sac en alpinisme. En escalade pure, son utilisation me paraît inutile mais sa compacité et sa légèreté en font une arme pour les longues sorties en montagne. Bien sûr, il n’est pas à mettre entre toutes les mains mais bien utilisé, il devient vite indispensable.

Source  : article réalisé par Baptiste GILL et publié le 26 octobre 2023 par Montagne Magazine montagnes-magazine.com

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L’escalade en grande voie, par comparaison avec la pratique sur couennes,  génère un plaisir souvent amplifié par la hauteur. Et où la notion de cordée reprend tout son sens.
Elle nécessite aussi un apprentissage plus long, en particulier concernant les manœuvres de corde, la conception d’un relais et l’assurage d’un partenaire en paroi. L’organisation du matériel à emporter et la gestion du temps sont aussi des facteurs qui peuvent s’avérer déterminants…

Et bien sûr, il y a la descente qui fréquemment se fait en rappel. Mis à part au Verdon où elle intervient avant de grimper puisqu’on aborde la falaise par le haut, c’est le plus souvent en fin de journée qu’on aborde cette étape, en général un peu fatigué. Il est primordial donc de bien en maîtriser les étapes mais aussi de savoir s’adapter en cas de problème ou impondérable : nécessité de redescendre en urgence à cause d’une blessure ou de la météo ; corde abîmée… On entre là dans le domaine de la réchappe, où les techniques deviennent beaucoup plus pointues, voire délicates. Et requièrent un entraînement régulier.

De l’art de la réchappe

Parmi les réchappes à connaître, il y a le rappel largable. En gros, le principe consiste, après être descendu, à « éjecter » le rappel de son point haut, et non plus ravaler la corde en tirant sur un des deux brins, comme d’habitude. Cela permet de descendre sur une seule corde. On s’en sert par exemple quand un des deux brins de la corde de rappel a été détérioré.

Plusieurs systèmes existent, à base de nœuds (Dufour) ou faisant intervenir un crochet Fifi (crochet Julio). Dans cette dernière catégorie, la mise au point du système est complexe et nécessite une très grande expertise.

L’Escaper, solution ultime ?

Cela explique sans doute pourquoi la présentation de l’Escaper par la société Beal, lors du salon de Friedrichshafen l’été dernier a tant fait parler. Un système apparemment tellement simple que cela laissait dubitatif. En effet sur le principe, ce n’est qu’un machard en dyneema, tressé et cousu sur un bout de corde pourvue d’une ganse. Un fois passé dans le point de relais et installé, on y fixe un brin de corde simple sur lequel on descend en rappel. Arrivé en bas, il suffit d’imprimer des secousses à la corde pour permettre à l’élastique de rappel de détendre et faire remonter la tresse de dyneema, permettant le largage.

Simple mais pas rassurant a priori. Et pour ne rien vous cacher, nous ne faisions pas les fiers lors des premiers essais en conditions réelles

Enfin. Voyez vous-mêmes le résultat de ces tests sur la vidéo :

 

Source : article réalisé par Olivier et publié le 24 mai 2018 sur : La Fabrique Verticale lafabriqueverticale.com