Chute accidentelle de sportifs : l’obligation de moyens en question ! (Jean-Pierre Vial)

Deux arrêts rendus à l’occasion d’accidents sportifs, l’un par la cour d’appel de Bastia le 27 février 2019 et l’autre par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 9 mai 2019 donnent matière à débat sur  l’application  de l’obligation de sécurité de moyens dont les variations d’intensité, qui obéissent à des critères incertains, nourrissent le contentieux de la responsabilité.

1-L’obligation de sécurité aura été, une nouvelle fois au cœur de contentieux sportifs. C’est sur ce fondement que la cour d’appel de Bastia condamne l’organisateur d’une descente de canyon dont le moniteur n’a pas guidé correctement son élève qui s’est blessé en sautant dans une vasque. De son côté, la Cour de cassation saisit l’occasion de rappeler qu’un club de voile n’est assujetti qu’à une obligation de sécurité de moyens et non de résultat de sorte que la chute accidentelle d’un enfant, survenue au retour d’un cours, dans des circonstances indéterminées, ne permet pas d’établir l’existence d’une faute de l’association.

 

2-A première lecture ces deux décisions ne surprennent pas. Elles sont dans la logique de la jurisprudence dominante sur l’obligation de moyens. Pourtant, elles n’emportent pas entièrement l’adhésion.

D’abord, il y a lieu de s’interroger sur la référence faite explicitement par la cour de Bastia à l’acceptation des risques. En effet, elle renvoie à l’un des critères de distinction des obligations de moyens et de résultat qui ont la faveur des juges mais qui ne prennent pas en compte la différence fondamentale entre pratique sportive ludique et sport de compétition.

Ensuite, ces deux arrêts révèlent l’un et l’autre les limites des variations d’intensité de l’obligation de moyens. Pourquoi est-elle aggravée dans un cas et allégée dans l’autre alors qu’on ne peut nier l’existence d’un danger dans les deux espèces résultant pour l’un de la dangerosité de l’activité et pour l’autre du  jeune âge de la victime ?

 

3-L’obligation de moyens, on le sait, n’est qu’une des deux versions de l’obligation de sécurité.

A la différence de l’obligation de résultat où son débiteur est tenu, sauf cas de force majeure, de procurer au créancier la satisfaction promise, le débiteur d’une obligation de moyens est seulement tenu d’apporter les soins et diligences normalement nécessaires pour atteindre un certain but, de telle sorte que sa responsabilité est subordonnée à la preuve qu’il a manqué de prudence ou de diligence. Tandis que le créancier de l’obligation de résultat est délesté de la charge de la preuve d’une faute et assuré d’être indemnisé du seul fait de la survenance du dommage hormis l’existence d’une cause étrangère, le créancier de l’obligation de moyens doit supporter le fardeau de la preuve d’une faute impossible à établir lorsque les circonstances du dommage sont indéterminées. Le premier est donc dans une situation singulièrement plus  avantageuse que le second. D’où l’importance des critères qui président à la distinction entre ces deux catégories d’obligations. Or c’est là précisément que le bât blesse, ceux-ci pêchant par leur « imprécision et de leur incertitude »[1].

 

I-Des critères de distinction incertains

 

4-Le critère du rôle actif ou passif du créancier, séduisant sur le papier, s’est révélé incertain dans sa mise en œuvre, spécialement pour la pratique de certains sports. Qu’on en juge par les volte-face de la Cour de cassation à propos du contrat de remonte-pente. Elle a d’abord mis à la charge de l’exploitant une obligation de moyens puis s’est ravisée en faveur d’une obligation déterminée de sécurité[2]. Nouveau revirement et retour à l’obligation de sécurité de moyens dans sa décision du 4 novembre 1992 [3]motivée par la participation active que l’usager est tenu d’apporter à l’opération spécialement au départ et à l’arrivée.  Le toboggan aquatique offre également un bon exemple d’imprécision du critère. Les juridictions du fond ont d’abord considéré que l’exploitant était assujetti à une obligation de moyens au motif  que l’usager devait garder au cours de la glissade une position correcte, éviter de se mettre en travers, voire de freiner dangereusement sa descente et de s’immobiliser avant l’arrivée dans le bassin de réception[4]. Comme l’a qualifié un auteur ce « faux actif »[5] s’il ne maîtrise pas nécessairement la trajectoire, peut néanmoins réguler sa vitesse. Pourtant la Cour de cassation a estimé que « l’exploitant d’un toboggan est, pendant la descente, tenu d’une obligation de résultat »[6]. Mais elle n’en est pas restée là puisqu’elle a approuvé une cour d’appel ayant admis qu’une collision survenue à l’arrivée dans le bassin de réception d’une piscine ne pouvait être dissociée de la descente, de sorte qu’on ne sait plus exactement à quel moment précis l’obligation de moyens prend la relève de l’obligation de résultat [7].

 

5-On trouve la même ambiguïté à propos du transport de plongeurs par canot à moteur sur les lieux de la plongée. La haute juridiction estime que l’organisateur de plongées subaquatiques est assujetti à une obligation de sécurité de moyens pendant le transport des plongeurs sur le lieu de plongée car, installés sur les boudins d’une embarcation semi-rigide, ils ont reçu des instructions sur les positions à adopter pendant le trajet [8]. Pourtant, ils sont censés être passifs puisque assis. A l’inverse, les tribunaux considèrent que l’exploitant de télésiège est tenu d’une obligation de résultat à l’égard du piéton débarquant d’un télésiège, au motif qu’il abdique « toute liberté de mouvement » et se trouve contraint « de confier entièrement sa sécurité à autrui »  alors qu’on ne peut nier que l’intéressé participe activement à l’opération puisqu’il doit s’extraire du siège et prendre pied sur l’aire de débarquement[9]. Idem pour le saut à l’élastique. Selon la note d’information produite par un exploitant, le pratiquant « doit s’élancer franchement sans se retenir, mettre sa tête bien en arrière pendant toute la durée du saut, ne pas saisir la sangle ventrale de sécurité avant la complète stabilisation (…) » ce qui implique un certain rôle actif. Au contraire, pour la Cour de cassation, il s’en remet totalement à l’organisateur pour assurer sa sécurité[10].

 

6-Si dans les deux espèces ici commentées le rôle actif de la victime est indiscutable, il en va autrement pour l’acceptation des risques à laquelle la cour d’appel de Bastia fait explicitement référence. D’abord, les juges ne peuvent pas sans se contredire affirmer que la victime « a incontestablement accepté les risques inhérents à toute sortie sportive » et en même temps relever qu’elle n’a pas été avertie de ceux « liés au saut »!

Ensuite, « chacun de nous accepte chaque jour des risques sans que cette acceptation influe sur le règlement des responsabilités lorsque le risque se réalise[11]». Autrement dit, on ne peut pas déduire qu’en ayant accepté un risque aussi ordinaire que celui de traverser un passage piéton sur une route fréquentée, on perde le droit d’être indemnisé des conséquences d’une imprudence ou d’une négligence d’un automobiliste[12]. Sans doute est-il concevable que l’acceptation des risques puisse être prise en compte dans l’appréciation des responsabilités lorsque la victime s’est exposée en connaissance de cause à un danger réel tel celui de la compétition qui ne se pratique pas sans prise de risque. Ainsi, les coureurs cyclistes, motocyclistes, et pilotes automobile savent qu’ils peuvent perdre le contrôle de leur engin dans un virage pris à trop grande vitesse où entrer en collision avec un concurrent et en acceptent le risque. De même, les sportifs aguerris connaissent les risques de leur discipline. La cavalière qui pratique l’équitation depuis 10 ans, ne peut pas ignorer que les conditions météorologiques sont de nature à énerver les chevaux[13]. En revanche, l’acceptation des risques ne peut pas être soulevée  contre des néophytes. En effet, celui qui n’a jamais pratiqué un sport n’en mesure pas les risques. Dans leur ignorance de l’équitation, les touristes qui recherchent seulement le divertissement d’un parcours à dos de cheval ne sont pas en capacité d’en apprécier les dangers[14]. C’est précisément le cas des clients occasionnels des établissements sportifs qui s’adressent, moyennant une contrepartie financière,  à un professionnel titulaire d’une qualification « garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants » (art. L 212-1 C. sport) pour un temps de divertissement sportif. Ils lui font assurément confiance pour être mis à l’abri du danger. Ainsi, les clients d’un prestataire de descentes de canyon comptent sur sa connaissance des lieux et sa compétence professionnelle pour terminer la descente « sains et saufs ». Sinon pourquoi s’adresseraient-ils à lui s’il n’offrait pas plus de garantie que s’ils effectuaient la descente sans encadrement ? Aussi lorsque l’activité est présentée, à l’instar de ce qui fut fait pour une randonnée en eau vive, « comme ludique et sans risque » il n’est pas surprenant que les juges mettent à la charge de l’organisateur « non seulement une obligation de moyens mais également de résultat »[15].

 

7-Les choses se compliquent avec les catégories intermédiaires inventées par les tribunaux qui sont inévitables dans le champ sportif  car l’exploitant d’établissements sportifs ne peut être traité avec la même rigueur selon la dangerosité ou non du sport qu’il encadre ou selon qu’il s’adresse à des néophytes ou à des sportifs aguerris. Le problème c’est l’imprécision de leurs contours.

 

L’imprécision des catégories intermédiaires de l’obligation de moyens

 

8-Obligations de moyens renforcées, tout d’abord, (ou obligation de résultat atténuée selon la terminologie de certains auteurs). Il s’agit là des présomptions de faute qui opèrent un renversement de la charge de la preuve comme l’atteste le contrat de prise en pension d’un cheval dont l’inexécution est présumée du seul fait de la survenance d’un dommage à l’animal. Ainsi, c’est à l’éleveur, supposé n’avoir pas correctement entretenu l’animal, de rapporter la preuve qu’il a pris toutes les précautions d’usage pour le prémunir  d’un dommage[16]. Certaines présomptions vont même jusqu’à constituer de véritables présomptions de responsabilité lorsqu’elles n’offrent d’autre alternative à l’exploitant que la cause étrangère comme moyen d’exonération. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle jugé que les personnels de surveillance d’une piscine avaient manqué à leur obligation de vigilance du seul fait qu’ils n’ont pas vu l’accident[17].

 

9- Après les obligations de moyens renforcées viennent les obligations de moyens alourdies qui sans être des présomptions de faute imposent à l’exploitant un redoublement des mesures de précaution. Elles sont motivées par la dangerosité de l’activité. Comme l’affirme la Cour de cassation dans un arrêt de principe « le moniteur de sports est tenu, en ce qui concerne la sécurité des participants, à une obligation de moyens, cependant appréciée avec plus de rigueur lorsqu’il s’agit d’un sport dangereux »[18]. Ainsi, les organisateurs de stage d’apprentissage au vol en ULM et en deltaplane ne sont pas seulement tenus d’évaluer les capacités physiques de leurs élèves mais doivent aussi s’assurer de leurs capacités de résistance psychologiques[19]. Mieux encore, la haute juridiction a fait peser sur l’exploitant d’un karting une « obligation de vigilance de tous les instants » dans une espèce où la chevelure d’une jeune conductrice s’était enroulée dans l’axe de rotation des roues arrière d’un kart sans que le personnel s’en aperçoive. Le sport de compétition n’est pas en reste. A l’occasion d’une épreuve de motocyclisme où un concurrent s’était grièvement blessé, il est reproché à l’organisateur de n’avoir «  pas mis en place les aménagements de nature à empêcher de tels accidents »[20] alors que les causes de la sortie de piste dont il avait été victime étaient demeurées inconnues. On retrouve la même exigence à l’occasion d’un accident survenu lors d’un match de hockey sur glace. En l’espèce, un joueur qui voulait atteindre le palet avec sa crosse, avait chuté sur la glace, entraînant son adversaire, qui lui, était tombé sur le dos, et après une glissade, avait violemment heurté de la tête la balustrade de la patinoire. La première chambre civile écarte le moyen d’exonération de l’organisateur de la rencontre, qui soutenait qu’il avait respecté les normes fixées par sa fédération, en lui objectant qu’il existait d’autres solutions techniques récentes satisfaisantes en matière de sécurité[21]. Idem pour l’organisateur d’une course motocycliste, ayant installé une corde le long de la piste en conformité avec le règlement, et pourtant jugée insuffisante pour assurer la protection des spectateurs[22]. Dans la même veine, une cour d’appel relève que la faute de l’organisateur d’un triathlon « se trouve constituée indépendamment de la stricte observance de toutes les prescriptions réglementaires de sécurité édictées par l’autorisation préfectorale »[23]. Reprocher aux organisateurs de manifestations sportives de n’avoir pas mis en place les aménagements  nécessaires  pour empêcher les accidents alors même qu’ils n’ont pas enfreint les normes fédérales n’est ce pas les soumettre de fait à une quasi obligation de résultat ?

 

10- L’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia est, à cet égard, un bon exemple de ce mouvement d’alourdissement de l’obligation de sécurité de moyens. En l’occurrence, il relève que la victime en sautant dans la vasque n’aurait pas heurté le rocher si le point d’impact du saut avait été déterminé par le guide avec la précision suffisante et après prise en compte de la possible déviation, même légère, de celui-ci. Une double mesure de précaution s’imposait donc au professionnel : d’une part, faire pour chaque saut une reconnaissance préalable de la vasque en vue de déterminer  l’endroit précis de l’atterrissage ; d’autre part,  prendre en compte un éventuel décalage du sauteur tout en sachant qu’une personne inexpérimentée peut commettre une erreur de trajectoire. Mieux l’arrêt fait également reproche au moniteur de s’être abstenu d’avertir l’intéressée des risques liés au saut, et éventuellement de ne l’avoir pas déconseillé de l’entreprendre. Consigne à notre avis discutable car déstabilisante pour un néophyte incapable d’apprécier s’il est en capacité de sauter sans risque pour lui. C’est au professionnel de décider s’il doit ou non effectuer le saut[24].

 

11-Le débutant par nature vulnérable l’est plus encore s’il s’agit d’un enfant. La Cour de cassation met à la charge de l’organisateur sportif une obligation de surveillance constante pour ceux en bas âge. Ainsi, considère-t-elle qu’il y a faute à laisser des élèves âgés de 8 ans s’entraîner seuls au cheval d’arçons[25]. Pour les mêmes raisons, l’exploitant d’un centre équestre qui encadre des jeunes gens séjournant en colonie de vacances manque à son obligation de sécurité en les envoyant chercher eux-mêmes les chevaux hors du manège et sans surveillance[26]. Pourtant, dans son arrêt du 9 mai 2019, la haute juridiction considère que le seul fait pour enfant de sept ans de chuter dans des circonstances indéterminées en revenant d’un cours de voile ne saurait impliquer que le club ait manqué à son obligation de sécurité. En l’occurrence, sa chute était survenue alors qu’il empruntait un chemin sans surveillance. Les auteurs du pourvoi reprochaient aux juges du fond d’avoir exonéré le club nautique de toute responsabilité au motif que les circonstances exactes de la chute n’étaient pas démontrées alors que l’enfant qui n’avait pas été remis à ses parents était encore sous la surveillance du club. Le moyen ne manquait pas d’intérêt d’autant qu’à la suite de la noyade mortelle d’un enfant survenue après une séance de voile où des enfants avaient été laissés sans surveillance, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé que l’obligation de surveillance n’est pas limitée, comme l’entendait le club, à l’activité mais commence  au moment où ceux-ci entrent dans l’enceinte du club jusqu’au moment où ils la quittent[27]. La même juridiction avait, par ailleurs, estimé dans une espèce où un jeune footballeur avait été blessé aux  doigts par une porte de vestiaire que l’entrée d’enfants âgés de dix ans dans un tel espace ne mettait pas fin à l’obligation de surveillance du club[28].

 

12- En somme, la vraie question n’était pas de savoir dans quelles circonstances la chute s’était produite et notamment si l’enfant était ou non exagérément chargé de matériel de voile et devait emprunter un passage sur des rochers, mais de savoir s’il devait ou non être accompagné en raison de son jeune âge, circonstance non discutée puisque le club avait admis dans ses conclusions d’appel que l’enfant se trouvait seul au moment de sa chute.

 

13-Sans doute, en admettant qu’il ait eu une obligation de surveillance constante y compris après la fin de la séance jusqu’à ce que l’enfant soit remis à ses parents, on pourra toujours objecter l’impossibilité d’établir le lien de causalité entre la chute et le défaut d’accompagnement puisque celle-ci est survenue dans des circonstances indéterminées. Pourtant ce n’est pas le motif de rejet du pourvoi[29].

 

14-Sans se prononcer sur l’étendue de l’obligation de surveillance la Cour de cassation invoque l’obligation de moyens du club pour l’exonérer de sa responsabilité. Elle aurait pu tout aussi bien censurer l’arrêt sur le même fondement comme elle l’a fait à l’occasion d’un accident survenu sur une structure d’escalade artificielle où la victime pratiquait l’activité librement sans être encadrée par un moniteur du club. En l’occurrence, elle avait reproché à la cour d’appel d’avoir écarté la responsabilité du club au motif que l’obligation de sécurité du moniteur n’existe que pendant une formation alors que « l’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité »[30]. Dans un cas, l’obligation de moyens est invoquée pour mettre hors de cause un club de voile qui, pourtant n’a pas assuré de surveillance constante de ses élèves y compris à la fin de la séance. Dans l’autre, elle est affirmée avec la même vigueur pour dénoncer un manque d’encadrement dans le local d’un club d’escalade.

 

15-On pourra toujours soutenir que  le renforcement de l’obligation de sécurité est motivé par l’existence d’un danger tenant pour l’essentiel à la nature du sport pratiqué, ou à la  présence de débutants. Mais un enfant laissé momentanément sans surveillance à proximité d’une plage à un âge où il n’est pas capable de prendre la mesure du danger est-il vraiment en sécurité ? Quelle aurait été la position de la haute juridiction s’il s’était noyé ?

 

16- Par ailleurs, aucune juridiction n’a défini à ce jour les critères permettant d’identifier les sports dangereux dont le législateur s’est bien gardé de donner une définition[31]. En outre, un sport qui n’est pas en soi dangereux, peut le devenir quand il est pratiqué en compétition. Le cycliste qui se déplace à allure modéré sur une piste cyclable ne se met pas en danger. En revanche, le coureur qui dispute à très vive allure un sprint au sein d’un peloton où chaque unité cherche le meilleur placement pour l’emporter s’expose au risque de chute.

 

17-L’obligation de résultat devrait donc s’imposer pour la pratique occasionnelle des sports de loisirs encadrés par des établissements commerciaux et des clubs sportifs ayant développé la découverte et la pratique hors compétition de leur discipline. Organisant des activités à risque moyennant rémunération à l’intention de personnes qui se sont précisément adressées à eux pour être en sécurité, il est logique qu’ils assument les conséquences d’un accident. Il nous semble donc plus équitable qu’ils  supportent la charge de la preuve d’une faute de leurs clients plutôt que de mettre à la charge de ceux-ci la preuve d’une faute de leur part. Sans doute faudra-t-il s’attendre à  un renchérissement de ce type de pratique mais c’est le prix à payer pour bénéficier de l’obligation de résultat. De surcroît, cette mesure aurait le mérite de mettre sur un même pied d’égalité organisateurs sportifs et pratiquants. En effet, à l’exception des sports qui se pratiquent à main nue, le sportif qui blesse son homologue avec l’équipement dont il est gardien est de plein droit responsable à l’égal du débiteur d’une obligation de résultat sur le fondement de l’article 1242 du code civil. L’obligation de moyens ne devrait s’appliquer qu’à la compétition dont les pratiquants prennent des risques en toute connaissance de cause. Il paraît donc logique qu’ils supportent la charge de la preuve d’une faute de l’organisateur.

 

18-L’avant projet de réforme de la responsabilité civile a fait le choix d’évincer les obligations de sécurité de la sphère contractuelle pour la réparation des dommages corporels. Si cette disposition devait un jour être inscrite dans le marbre de la loi, aura-t-elle pour conséquence de mettre au rebut les différentes catégories d’obligation de moyens ? Rien n’est moins sûr. En effet, hormis les cas où seront réunies les conditions d’application de la responsabilité du fait des choses, le juge devra évaluer la faute délictuelle de l’organisateur. Dans ce cas, on voit mal comment il pourrait nier que celui  « raisonnable et avisé » a, selon les circonstances (sport de compétition ou sport pour tous, activité dangereuse ou non ; pratiquant aguerris ou débutants ; enfants ou adultes), des devoirs d’intensité variable. En définitive, si ce texte est adopté en l’état, on sera confronté aux mêmes risques de loterie judiciaire qu’auparavant.

Source : article réalisé par Jean-Pierre Vial, publié le 24 janvier 2020 sur Institut ISBL