Information judiciaire ouverte après la mort de 3 adolescents dans la clue du Raton (Guy Benhamou)

Guy Drut, ministre de la Jeunesse et des sports, a annoncé hier soir l’ouverture d’une enquête, placée sous l’autorité du préfet, sur l’accident survenu dimanche à Beuil (Alpes-Maritimes ), dans lequel trois adolescents qui faisaient du canyoning ont péri noyés (Libération d’hier), sans doute victimes de l’imprudence. 

Ils appartenaient à un groupe d’une trentaine de personnes, lancées dans la descente à la nage de la Clue du Raton, torrent de l’arrière-pays niçois. «Si un manquement apparaissait dans l’attitude des moniteurs, je prendrais des mesures d’interdiction d’exercer», a précisé le ministre. Le parquet de Nice a ouvert une information judiciaire. Alors que le groupe était en pleine excursion, un violent orage, survenu en amont en milieu de journée, a fait brusquement monter le niveau des eaux. Une partie des nageurs a pu regagner la rive à temps. En revanche, trois enfants de 13, 14 et 15 ans ont été emportés, tandis que vingt-trois autres membres du groupe, parvenus à se mettre en sécurité sur des points hauts, se retrouvaient coincés au milieu du courant. Il a fallu l’intervention de quatre hélicoptères de la Sécurité civile et d’une cinquantaine de sauveteurs pour les secourir. Selon le capitaine Serge Bezombes, de la gendarmerie de Beuil, le groupe était accompagné de deux guides basés à Barcelonnette. «L’enquête devra déterminer si ces deux guides disposaient des qualifications nécessaires», précise le capitaine Bezombes.

Aux yeux des gendarmes, deux imprudences pourraient être à l’origine du drame. Le groupe a semble-t-il programmé son départ trop tard dans la journée, alors que la descente de la Clue du Raton est une course longue. Il a aussi négligé la météo, très défavorable ce lundi, alors que le secteur est réputé dangereux. En 1990 dans ce même torrent, trois personnes ont péri dans des conditions similaires à la suite d’une crue soudaine.

 

Du côté des responsables du secours en montagne, on note avec inquiétude l’accroissement du nombre des accidents. «Depuis début juillet, CRS, gendarmes et pompiers ont effectué en moyenne deux opérations de secours par jour», explique le colonel Nardin, directeur du centre interrégional de coordination opérationnelle de la Sécurité civile (Circosc) pour le sud-est de la France. «Cela représente une augmentation de 40 à 50% par rapport à l’an dernier, surtout dans les Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence et Pyrénées-Orientales.»

Le plus souvent, les secours interviennent à la suite de chutes entraînant fractures ou entorses. La particularité de ces opérations réside dans les difficultés d’emploi de l’hélicoptère, qui ne peut parfois pas intervenir dans les gorges les plus étroites. «Il faut alors rejoindre les personnes en difficulté avec une colonne à pied, précise le brigadier Eric Calvat, de la CRS des Alpes. Cela complique passablement les choses, avec des opérations qui se terminent souvent en pleine nuit.»

 

Le maréchal des logis Jean-Yves Roche, du peloton de gendarmerie de haute montagne basé à Saint-Sauveur-sur-Tinée, au-dessus de Nice, a participé au sauvetage de la Clue du Raton. Pour lui, «il faut surtout expliquer que le canyoning n’est pas une distraction familiale, mais une véritable discipline demandant une bonne préparation et des efforts importants». Le descendeur de torrent devra posséder une très bonne condition physique, afin d’affronter une marche d’approche parfois longue de plusieurs heures, puis de résister à un séjour dans l’eau glacée des heures encore, durant lesquelles il lui faudra nager, descendre des cascades en rappel, dévaler des toboggans naturels. «Il faut aussi un équipement obligatoire, combinaison en néoprène, cordes, baudrier, casque», poursuit Jean-Yves Roche. L’étude du parcours sur les topo-guides, qui indiquent, entre autres, la difficulté des parcours, leur durée approximative et, surtout, les différentes échappatoires , fait partie des formalités indispensables. Tout comme la consultation du bulletin météo.

Enfin, «il ne faut jamais partir seul et, de préférence, si l’on n’est pas sûr de soi, se faire accompagner par des guides patentés», recommande la gendarmerie. Autant de précautions qui ne doivent pas faire oublier que ce sport, comme toute activité de montagne, sera toujours dangereux.

Source : article réalisé par Guy Bnehamou et publié le 15/08/1995 dans Libération Voir l’article de Libération