Bolivie, le nouvel Eldorad’eau (GOLA Olivier)
Jadis en quête d’or dans les terres Amazoniennes, les conquistadores des temps modernes se tournent vers les richesses aquatiques dont recelent les canyons… Armés de cordes et de perforateurs, une bande de jeunes pionniers pénètrent les profondeurs boliviennes à la conquête du Trésor, de la Cordillière des Andes aux plaines orientales.
« Wanted speleologue alive for wild river » un « spéléogringo » installé au pays depuis quelque temps recherche compagnons pour explorer les « eldorad’eau » bolivien.
Saisi par ces quelques lignes parues dans une revue, Olivier GOLA qui forma jadis ce spéléologue lança le projet de le rejoindre. Pour entreprendre cette expédition, il lui fallait des ressources humaines et matérielles. Quelques hommes de confiance de la « garnison » nationale de descente de canyon du CAF se sont très vite joints à lui et ont fourni l’artillerie lourde et légère nécessaire à l’expédition. Après une année de préparation, l’équipe pouvait enfin embarquer pour une chevauchée fantastique sur ToroToro…
A notre arrivée, le village est en pleine effervescence : c’est jour de fête. Pendant que les habitants dansent au son des guitares, charangos et flûtes de pan, nous nous attelons aux préparatifs. Les munitions de spits, goujons et autres broches sont soigneusement rangées dans les sacoches. Les perforateurs sont réglés et prêts à être dégainés aux premiers sons de cloches que produiront les cascades. Nous élaborons le plan en compagnie de Mario, l’homme du pays. Il vadrouille dans la région depuis 30 ans. Pendant qu’une équipe attaquera par la rivière principale, l’autre se rendra dans un de ses affluents, l’objectif étant de se retrouver à la confluence, « la mescla », pour terminer ensemble.
A l’attaque !
A l’aube, tout le monde est prêt. L’entrée du canyon se situe juste à la sortie du village. Enthousiastes, nous attaquons d’un pas léger et rapide malgré l’attirail que nous charrions. Au fur et à mesure que nous avançons, les falaises se referment dou- cement derrière nous.
Mais soudain, au détour d’un méandre, une rupture! Je pars aussi sec à l’attaque du rocher. Je dégaine la perforeuse et fais feu. Un coup de 10, un coup de 12, les deux trous sont faits en plein centre de la roche compacte. Il ne me reste plus qu’à finir le travail à coup de marteau sur la tête du goujon, pendant que Jack me prépare la sangle et le maillon à poser en signe d’au revoir. Mais là, c’est l’embuscade. Une énorme vasque croupissante nous attend en bas. Et pourtant, les entrailles de la cascade mises à nu laissent imaginer un plaisir exaltant auquel on s’abandonnerait facilement si la fougue du torrent s’y déchaînait. Sur mon relais, la réalité est tout autre. Jack me fixe dans les yeux et semble me dire « Qu’est–ce qui t’arrive, jeune homme ? On dirait que le jeu ne t’amuse pas. Tu n’as qu’à te retourner, te pendre sur la corde et descendre… si tu en as le courage ! » Je me résigne à descendre quand, à quelques pieds de cette étendue vaseuse, je trouve une faille à longer pour y échapper. Tout le monde descend et nous continuons de cheminer… mais la cavalcade a perdu de son enthousiasme. Le dépit est cependant de courte durée puisque quelques instants plus tard, la résurgence de la grotte d’Umajalanta nous offre son tumulte. Les falaises devant nous laissent présager une nouvelle attaque. Indécis, je me retourne vers Jack et demande « Qu’est–ce qu’on fait de cette cascade ?« … Et la cascade cède aux assauts de la perforeuse.
Quand nous atteignons la mescla, notre lieu de rencontre, nos amis sont encore en train d’équiper la cascade de 70 mètres. Le rendez–vous est manqué. De retour au village nous pensons à eux, dont le lit restera vide cette nuit…
Le Laguna Khala Uta, notre dernier canyon, est un véritable « eldorad’eau » à découvrir avec son trésor caché au fond des gorges un vieux moulin qui fonctionne encore. S’il ne devait rester qu’une seule image à conserver de ToroToro, ce serait ce moment où les falaises encaissées s’ouvrent brusquement sur le somptueux panorama des montagnes désertiques de San Vicente. Nous prenons le temps de les admirer une dernière fois lorsque nous rentrons sur Cochabamba via La Paz.
Plus haute capitale du monde, immense canyon, cette dernière vit au rythme des klaxons et du Cocalight. Un peu révoltés par cette « coca–invasion« , nous mettons le cap sur les Yungas. L’univers subtropical des Yungas contraste avec le plateau aride de l’Altiplano. Ces vallées taillées en V aux dénivelés impressionnants semblent enfouir mille et un trésors. Sous la brume, les contreforts d’émeraude déversent leurs eaux dans le bassin amazonien. A travers jungle, nous fonçons sur les pistes poussiéreuses afin de monter le campement avant la nuit.
Incas et poupées russes
Debout à l’aube, nous entamons la marche d’approche sur ce chemin taillé dans la roche par les Indiens. A l’entrée du canyon, le fond de la vallée 900 mètres plus bas donne l’impression d’être à nos pieds. A l’attaque de la première cascade, la mèche se désagrège : la pierre ne veut pas céder au métal. Surpris par la dureté de cette roche riche en quartz, j’interpelle Bobrun: « Tu sais, le monde se divise en deux catégories. Ceux qui tiennent à la vie et ceux qui continuent au risque de creuser. Et moi, j’ai pas envie de creuser ! J’préfère laisser cette exploration à l’art du roman ! »
En effet, face au peu de difficultés techniques rencontrées à ToroToro, nous avons été un peu trop confiants et nous avons pris le minimum de matériel. Nous retournons donc au campement. L’avenir nous donnerait raison. Les moments épiques passés dans la jungle nous auraient sûrement offert des souvenirs dantesques. Ici, le mot hélicoptère n’existe pas. Quant à un éventuel secours par les Boliviens, c’est pareil.
Nous repartons le surlendemain, chargés de l’artillerie lourde, avant même le lever du jour. Au crépuscule l’équipe a bien progressé. La pierre cède, enfin. Une vingtaine de cascades jalonnant le parcours ont déjà été équipées. La sortie est–elle proche ? Certains d’entre nous ont l’intuition que oui, d’autres sont sceptiques. A ce moment, le canyon s’encaisse. Il faut prendre une décision. Est–ce qu’on bivouaque ici? Gilberto et Bobrun équipent en fixe et prennent l’initiative de descendre voir si l’arrivée est proche. Deux cascades plus bas, la musique du village parvient à leurs oreilles bientôt la sortie ! Soulagement, car la fatigue commence sérieusement à se ressentir.
Hélas, la fin n’est pas aussi proche que nous le pensions : à la manière des poupées russes, une nouvelle cascade apparaît sous chaque cascade. Engagés dans cette partie étroite, il n’y a plus de compromis. Pas question de s’arrêter, il nous faut sortir. D’autant plus qu’après la musique, ce sont à présent les lumières du village qui nous éblouissent de promesses. Finalement, 24 heures après avoir quitté le duvet, nous sortons de cet empire d’eau gardé par quelque 35 cascades.
Le début d’une passion?
L’expédition est terminée… On peut se poser la question de l’avenir du canyoning dans ce pays. La Fédération Bolivienne de Spéléologie, en relation étroite avec l’expédition, espère développer l’activité. Reste à savoir de quels moyens la fédération et le ministère disposent pour gérer, entretenir les sites et former des moniteurs. Pour l’instant, les ressources finan- cières et matérielles sont quasi–nulles. Quant à la motivation des Boliviens à s’engager dans cette activité, cela reste un mystère. Logique semble–t–il, quand on ne connaît pas ! Enfin, espérons que cette activité ne devienne pas seulement le privilège de conquistadores européens. Le potentiel de canyons à équiper est encore important, les formations de moniteurs sont envisageables. Des personnes installées au pays y contribuent, mais le chemin est encore long, très long… Avis aux amateurs !
Source : article réalisé par Vincent GOIX et publié par le magazine VERTICAL n° 118 paru en mai 1999
Photos : VAUTRIN Philippe et GOLA Olivier
Membre de l’expédition : DJURAKDJIAN Gilbert, GOIX Vincent, GOLA Olivier, SAVEL Jean Remy, VAUTRIN Philippe, VERHOEVEN Bruno,
INVENTAIRE TOPOGRAPHIQUE ET PLEIN DE PHOTOS
RENSEIGNEMENTS COMPLEMENTARES
Le tourisme
De la Cordillère des Andes jusqu’à la selva amazonienne, on peut découvrir la Bolivie en ski de randonnée, trek, andinisme, VTT, raft, descente de canyon. On trouve sur place tout le nécessaire pour pratiquer et organiser ces activités. Nourriture et héber- gement très bon marché (10 F pour un repas et 15 F la nuitée). Les Boliviens sont accueillants et s’ouvrent progres- sivement au tourisme. On y parle espagnol, un peu l’anglais.
Le pays se divise en trois régions :
1°) Les Andes et l’Altiplano: les lamas, le lac Titicaca, les Incas, le Salar de Uyuni, l’Illimani, les cimes enneigées, les indiens burinés, les cholitas et leurs chapeaux melons…
2°) Les Yungas : à l’est, de nombreuses vallées couvertes de jungle ont creusé les contreforts de la Cordillère Royale.
3°) Les plaines orientales : au nord, c’est la selva, l’Amazonie, la jungle, les fleuves calmes et limoneux. Au sud c’est le Chaco, la pampa, les plaines sèches, les cactus…
Le canyoning
Quand ?
On doit favoriser la saison sèche d’avril à septembre. Au niveau technique, il n’y a pas de grandes verticales. Attention aux frottements, si vous abîmez vos cordes, personne ne viendra vous sortir des canyons. Prévoir une trousse de rééquipement conséquente en cas d’endommagement d’amarrage par les crues. Et petite info réconfortante: pas d’inquiétude à avoir des serpents, alligators ou piranhas… ouf!
Où ?
Le Parc National de Toro-Toro recèle de canyons très encaissés et sculptés dans du grès rouge. De nombreuses résurgences jalonnent les descentes. Des sauts, des toboggans, une roche magnifique avec des inclusions de quartz. Les Yungas: à l’est, les vallées offrent des canyons très verticaux qui n’exèdent pas 50 mètres. La roche a subi de nombreuses contraintes lors de la surrection des Andes, elle est donc très dure.
Santé
Pas de vaccin obligatoire, mais il est préférable d’être à jour de tous ses vaccins ainsi que de l’hépatite A et B, DT poliomyélite, la fièvre jaune et typhoïde. Il faut systématiquement traiter l’eau ou boire de l’eau minérale. Il existe un traitement au chlore, qui est ensuite neutralisé avec de l’anti- chlore. Le traitement anti-paludéen n’est pas nécessaire si l’on reste au- dessus de 2 000 m. Le séjour à La Paz (4 000 m) peut provoquer des maux de tête, que l’on traitera avec du paracetamol.
A consulter
Il faut acheter les cartes sur place à I’IGM (Institut Geographico Militar). Le guide le plus à jour est Lonely Planet. Il n’y a pas d’office du tourisme mais un Bolivien installé en France peut vous fournir toutes les informations nécessaires: Wayra, 21 rue de Richelieu, 75 001 Paris.
Pour vous guider
Bruno Verhoeven (guide BE Spéléo): Ecoadventure, Andean & Amazon Expeditions, Calle Illampu, 1er piso, PO Box 9434, La Paz, Bolivie. Tél/fax: 00591 2 376776. E-mail: bruno17@latinmail.com ou ecoadven@mail.entelnet.bo