Emploi des professionnels dans les formations FFCAM ; à quel prix ? (GOLA Olivier – FFCAM)

Co-fondateur d’expl’eau (section canyon du CAF Grenoble Isère) en 1995 puis premier président de la Commission Nationale Canyon de la FFCAM de 1996 à 2000, Olivier GOLA à consacré 25 ans de sa vie au service de cette fédération. Convaincu de pouvoir bâtir une école canyon reconnue, à l’image de celle de la FFS, de la FFME et de l’AFC, ce projet concrétisait à ses yeux, l’aboutissement d’un cursus fédéral logique pour une fédération de pratiquants bénévoles dans laquelle tous les cadres peuvent s’identifier comme des acteurs à part entière et sur un pied d’égalité avec les cadres des autres fédérations.  Sans “langue de bois” Olivier GOLA nous livre dans cet article le bilan d’un projet qui se heurte aux intérêts d’une fédération tributaire des professionnels dans son mode de fonctionnement.

Photo : GOLA Olivier

Organisation de l’activité canyon, origine et structuration…

Historiquement, l’activité descente de canyon s’est développée au sein de la Fédération Française de Spéléologie qui a été à l’origine, le groupe fédéral précurseur, le plus présent dans le milieu associatif et le plus impliqué dans le développement de la descente de canyon. Les spéléologues plus familiarisés à l’eau que les “montagnards”, se sont investis plus tôt que ces derniers dans cette activité qui sera véritablement prise en compte par cette fédération en 1986 lors de la création de la commission canyon de la FFS qui devient en 1996 : l’Ecole Française de Canyon.

Durant de nombreuses années, en l’absence de formation délivrée par l’Etat, ce sont les fédérations et plus particulièrement la FFS qui était en charge de cette mission. La FFME ne tardera pas à lui emboiter le pas, car l’engouement que suscite cette activité de pleine nature génère des débouchés professionnels convoités par le milieu montagnard. Ces fédérations contribueront à la mise en place du brevet d’état canyon.  
À noter que lors de mise en place des formations professionnelles, la FFCAM qui proposait déjà à l’époque ses propres formations canyon avait été conviée à y participer, au même titre que la FFME et la FFS mais la direction FFCAM a décliné la proposition qui lui a été faite, à l’insu de sa propre commission canyon et sera donc écartée définitivement de ce dispositif.

Créé en 1874, le Club alpin français (CAF) est la plus ancienne association qui se consacre à la pratique et à la connaissance de la montagne sous tous ses aspects. En 1996, le Club alpin devient fédération multi-sports. Elle prend le nom de Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM) en 2004 et compte plusieurs clubs qui pratiquent la spéléologie et la descente de canyon entre-autres.

En 1997, la Commission Nationale de Descente de Canyon (CNC) voit le jour, deviendra en 2017 la Commission Fédérale Canyon (CFC). Experte de l’activité auprès du comité directeur national et chargée de mettre en œuvre la politique d’orientation fédérale et le développement de l’activité dans les clubs, elle est constituée d’acteurs élus dans les régions, de personnes chargées de mission et de nombreux cadres brevetés issus en grande partie de la FFS (dont plusieurs instructeurs) très investis sur le terrain.

Dès les premières heures, la jeune Commission Nationale Canyon FFCAM doit faire face à un défi de taille en prenant au pied de la lettre, l’appel lancé par d’André CROIBIER président de la fédération de l’époque qui lance le programme « Tous formés en l’an 2000 ! avec à la clef, plus aucune sorties collective sans cadre ». Partant d’une page blanche, la CFC va profiter d’une équipe dynamique et de l’expérience des autres fédérations pour construire sa propre école canyon ; confiante en l’avenir car persuadés qu’on lui faisait confiance et qu’elle avaient toutes les cartes en main pour réussir.


Grandir et faire ses preuves…

Durant plus de 20 ans, les cadres bénévoles canyon de la FFCAM, vont s’investir sans relâche et feront preuve d’innovation en élaborant leurs propres outils de formation et de communication, mettant en place un vaste programme de formation des pratiquants dans les clubs et des cadres en organisant de nombreux stages. Parmi les innombrables initiatives qui vont jalonner leur entreprise, on retiendra :

– la création du premier Passeport Formation canyon en 1997 qui était à l’époque, le premier document de suivi individuel des formations produit par une fédération d’activités de montagne. Ce document novateur pour l’époque avait la particularité d’être assemblé par des vis en laiton qui lui permettait d’être modulable et évolutif. Le Passeport Formation servira de modèle pour d’autres fédérations et l’idée sera copiée notamment par la FFS et la FFME. Au sein de la FFCAM, ce document était en avance sur son temps et il faudra attendre 15 ans pour voir une autre commission d’activité de la FFCAM reproduire l’idée en proposant le livret de formation escalade. Voir l’historique du Passeport Formation de la FFCAM

– la création du premier Panneau Pédagogique Portatif qui s’avère être un extraordinaire outil de formation permettant de reproduire toutes les configurations d’équipement en canyon pour l’étude et l’apprentissage des techniques de progression. Cet outil sera reproduit industriellement, en version simplifiée et installé dans plusieurs Centre Alpins recevant les formations canyon. Voir le panneau pédagogique portatif

– la publication d’une quarantaine de documents de formations,  de cahiers techniques, de mémoires et un grand nombre de mémentos thématiques. Ces documents permettront à la CFC de contribuer à enrichir la mémoire collective et à asseoir sa notoriété dans le milieu canyon.

On retiendra à ce propos la publication du mémento équipement des canyons en 12 volumes, comprenant 1039 pages, illustrées de 3900 dessins, réalisé gracieusement pour la FFCAM et qui était pour la commission canyon l’occasion de démontrer une fois de plus son savoir-faire et de se démarquer en surpassant largement la production écrite par toutes les autres fédérations sur le sujet. Voir le mémento équipement des canyons

La CFC sera également la première commission FFCAM à construire ses propres outils de communication interne en proposant un site internet dédié qui va lui permettre d’être visible par toute la communauté canyon du monde, afin de se faire connaître et faire la promotion de ses activités. Avec une moyenne de 600 visites/jour, ce site constituait un formidable outil de communication, d’information et d’archivage des documents. Extrêmement réactif, il permettait d’informer les pratiquants canyon de la FFCAM en temps réel et d’être en lien direct et permanent avec eux.

Le site internet de la commission canyon FFCAM permettait notamment :

  1. de présenter le fonctionnement de la CFC, trouver un club ou un Comité Régional FFCAM, contacter un membre de la CFC ou un responsable ;
  2. de présenter l’organisation des formations canyons de la FFCAM, son calendrier annuel des formations, ainsi que de très nombreux supports pédagogiques ;
  3. de constituer un outil interactif de recensement des besoins individuels en matière de formation pour mieux anticiper et gérer la mise en place des stages futurs ;
  4. aux formateurs de disposer des documents, règlements et formulaires utiles pour les formations centralisés en un lieu unique et constamment mis à jour ;
  5. de disposer d’une bibliothèque de plus 150 ouvrages qui regroupe les publications et bilans de la CFC ainsi que des publications extérieures libres de droits ;
  6. de disposer d’une archive constituée d’articles sur différents thèmes ainsi que des comptes-rendus.

La CFC, une équipe dynamique…

À son apogée, la commission canyon de la FFCAM contera dans son giron, environ une centaine de cadres bénévoles dont un grand nombre de moniteurs et une quinzaine d’instructeurs.

Grâce à leur savoir-faire, les cadres bénévoles de la CFC auront l’occasion de s’illustrer à de nombreuses occasions. En réalisant, par exemple : plusieurs formations à l’étranger, au Maroc à de multiples reprises et en Grèce notamment où ils vont organiser la toute première formation qui permettra à l’activité canyon de se mettre en place et de se développer dans ce pays. Les stages secours en canyon organisés par la CFC remportent également un vif succès et constituent une occasion supplémentaire de contribuer à la formation des pratiquants des autres fédérations car ils pouvaient également y participer.
l’organisation de journées d’initiations ouvertes à tout public dans le cadre des journées nationales « fête du sport » qui permettra à chaque fois, à de nombreux novices et curieux de découvrir cette activité de la FFCAM. Des opérations médiatisées à destination d’un public en situation de handicap leur permettant d’élargir leur champ d’actions. Voir le compte rendu de l’une de ces journées

Ils auront aussi l’occasion d’organiser, avec le soutien des clubs locaux,  le premier rassemblement national hivernal de descente de canyon de la FFCAM en 2014 à Saint-Christophe-en-Oisans qui donnera le coup d’envoi d’un rendez-vous annuel durant plusieurs années.
Voir le compte rendu du rassemblement hivernal 2014
Voir le compte rendu du rassemblement hivernal 2015
Voir le compte rendu du rassemblement hivernal 2017

La commission canyon de la FFCAM a également démontré qu’elle était capable d’organiser des événements d’envergures à l’étranger telle la première expédition d’ouverture de canyon organisée en Bolivie en 1998, en lien étroit avec le Club Andin  Boliviano et le Ministère des sports Bolivien. Durant cette expédition, une équipe de la CFC va explorer et équiper pas moins de 7 canyons d’envergures dans la région des Yungas nord (contrefort du bassin amazonien) ainsi qu’au cœur du parc national de Toronto en accord avec les autorités. Elle ramènera de fabuleuses images qui lui permettra de réaliser un extraordinaire diaporama mettant en œuvre pas moins de 7 projecteurs, qui sera présenté lors de l’assemblée générale de la FFCAM à Toulouse dans le palais des congrès. Ce diaporama servira également de vitrine pour mettre à l’honneur l’exploration canyon de la FFCAM et sera présenté dans plusieurs festivals d’images d’aventure dans différentes régions.

Au final, les initiatives qui mettront en valeur le savoir-faire des cadres bénévoles de la CFC seront nombreuses et permettront à la commission canyon de la FFCAM de se faire une renommée. Grâce à son savoir-faire unanimement reconnu, la CFC intégrera la Commission Canyon Interférale en 2010 Voir la CCI et les instructeurs de la CFC auront l’occasion de réaliser une formation de cadre en partenariat avec la FFME et la FFS. Cette reconnaissance de la part des autres fédérations, laissait augurer un avenir prometteur pour l’activité canyon de la FFCAM.

En 2017, partant du principe que la connaissance doit être accessible à tous parce qu’elle constitue le meilleur moyen de susciter les vocations de cadres, la commission canyon de la FFCAM fera à nouveau preuve d’innovation en proposant un cursus de formation ambitieux. En effet, à l’opposé des schémas habituels qui imposent un parcours rectiligne avec passage obligé par la formation de cadre pour se perfectionner,  la CFC va au contraire,  rendre accessible à tous les pratiquants l’ensemble des formations jusqu’au plus haut niveau, qu’ils soient brevetés ou pas grâce à la mise en place de modules thématiques commun pour la formation des cadres et des pratiquants.  Ces unités de formation seront accompagnées chacune d’un livret de formation canyon spécifique et individuel. La CFC produira onze livrets de formation thématiques :
Voir l’organisation des formations mises en place par les bénévoles de la FFCAM

unité de formation conditions hivernales
unité de formation équipement des sites
unité de formation secours en canyon
unité de formation eau vive en canyon aquatique
unité de formation terrain d’aventure
g unité de formation connaissance du millieu
g unité de formation grandes verticales
g unité de formation aux techniques verticales
g unité de formation eau vives en bassin artificiel
g unité de valeur progression autonome
g découverte de l’activité ;

Ces livrets sont également accompagnés d’un livret de formation des cadres et d’un nouveau Passeport Formation permettant d’avoir une vue d’ensemble claire des moyens mis en œuvre pour ce formidable dispositif de formation et d’organisation de l’activité canyon dans les clubs , conçus et réalisés comme à chaque fois, par les bénévoles. 
Voir le Passeport Formation édition 2017
Voir l’ensemble des Livrets de Canyons de formations thématiques

les livrets de formation canyon de la FFCAM


Tant de travail pour si peu de reconnaissance…..

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les cadres bénévoles en canyon de la FFCAM n’ont pas ménagé leur peine et ont eu le temps de faire leurs preuves. Soucieux de montrer qu’ils étaient capables de faire aussi bien que les autres fédérations, ils espéraient surtout parvenir à se faire reconnaître, par la FFCAM, au même niveau et avec les mêmes compétences que leurs homologues des autres fédérations ; c’est-à-dire : aptes à organiser et à encadrer en toute autonomie les formations qu’ils avaient consciencieusement construites pour ne plus être astreints à devoir systématiquement faire appel à un professionnel rémunéré pour toutes formations brevetantes ou recyclages comme l’imposait la direction FFCAM.
Initiateurs, moniteurs et instructeurs forment un cercle vertueux logique et cohérent, capable d’assurer les formations canyon avec d’autant plus de légitimité qu’il est représentatif du savoir-faire et de la culture fédérale au plus près des attentes des clubs. Ce mode de fonctionnement qui met à l’honneur les cadres bénévoles et qui a été adopté par toutes les autres fédérations sportives en charge de l’activité canyon aurait permis aux cadres bénévoles de la CFC de s’émanciper pour enfin être reconnus à leur juste valeur par leur propre fédération, comme des adultes responsables et compétents et non plus comme des éternels assistés. L’objectif n’était pas non plus d’écarter complètement les professionnels des formations, car ils peuvent être utiles et complémentaires, pour remplacer un instructeur ou épauler un moniteur par exemple. Mais dans la mesure ou les cadres bénévoles ont démontré qu’ils avaient été capables de construire seul, leur propre école de formation et fait la preuve de leur compétence, le recours systématique à un professionnel dans les stages brevetants ou de recyclages ne se justifiait plus en présence d’un instructeur de la CFC. Dès lors, le recours aux professionnels ne serait plus ressenti comme une obligation visant à pallier l’insuffisance des cadres bénévoles, mais comme un moyen supplémentaire et donc une opportunité mise à leur disposition pour renforcer le dispositif de formation et pour les accompagner dans la construction de leur école. Et ça, ça change tout….

Convaincu de pouvoir bâtir une école canyon autonome et reconnue, à l’image de celle de la FFS et de la FFME et de l’AFC, cette réussite était d’autant plus essentielle pour les cadres bénévoles de la CFC qu’elle concrétisait l’aboutissement d’un cursus fédéral parvenu à maturation, dans lequel tous les cadres bénévoles et tous ceux qui ambitionnent de le devenir, peuvent s’identifier comme des acteurs à part entière et sur un pied d’égalité avec les cadres des autres fédérations.
De cette reconnaissance dépendait la sauvegarde de l’engagement bénévole, la capacité de recrutement de la CFC et donc de formation, car pour donner du sens à leur engagement et à leur dévouement, les bénévoles,  ont besoin de perspectives d’avenir qui puissent les mettre à l’honneur. Devenir moniteur ou instructeur FFCAM pour finalement n’être habilité qu’à faire de l’initiation et du perfectionnement ne fait rêver personne d’autant plus que c’est le rôle de l’initiateur.
Malheureusement, les cadres en canyon de la FFCAM s’étaient bercés d’illusions allant même jusqu’a imaginer que leur réussite ferait l’admiration des autres commissions et la fierté de leur fédération. La FFCAM, tributaire des professionnels dans son mode de fonctionnement, n’a jamais été disposée à satisfaire les ambitions ni les attentes légitimes de ses cadres pour des raisons éminemment politiques et ce, quels que soient leurs efforts, le fruit de leur travail, leurs compétences et leurs bonnes volontés ….

Ce manque de reconnaissance et de considération qui s’apparente avec le temps à une mise sous tutelle permanente des cadres bénévoles par les professionnels de l’activité est injustifiée et porte atteinte à la dignité et à la crédibilité des cadres bénévoles de la FFCAM aux yeux de toute la communauté canyon.
Cette situation conduira inexorablement à l’éloignement d’un grand nombre de cadres déçus et entraînera le déclin progressif de la commission canyon de la FFCAM durant plusieurs années.


Analyse d’un échec…

En France, si le contenu des cursus de formation canyon de la FFS, de la FFME, de l’Association Française de Canyon (AFC) et de la FFCAM sont à peu près similaires, seuls les instructeurs de la FFCAM ne sont toujours pas habilités à délivrer des brevets de cadres bénévoles en toute autonomie. À savoir également que les formations professionnelles en canyon sont récentes et n’ont pas de vocation élitiste (à l’image de celle des guides de hautes montagnes) mais sont destinées simplement à légaliser l’encadrement rémunéré de cette activité de loisir. Durant de nombreuses années, en l’absence de formation délivrée par l’Etat, ce sont les fédérations qui étaient en charge de cette mission. Encore aujourd’hui, la suprématie du savoir-faire fédéral constitue toujours la référence en canyon. Aux yeux de la FFME de la FFS et aussi de la commission fédérale canyon FFCAM, les professionnels de l’activité canyon sont donc situés au même niveau que les moniteurs, raison pour laquelle la FFME et la FFS n’y ont pas recours. Les conditions d’obtention du brevet de moniteur canyon pour les professionnels de l’activité(1) , mises en place par la FFS, sont à ce propos révélatrices Voir ces conditions. En effet, à défaut de valeur ajoutée et indépendamment du coût de l’intervention du professionnel qui plombe le budget des stages, la FFME et la FFS disposent de leurs propres moniteurs et instructeurs et ne veulent pas prendre le risque de démobiliser ce qu’elles ont de précieux et qui ont fait leurs réussites : l’engagement et la motivation de leurs cadres bénévoles à qui elles doivent tout et en qui elles font entièrement confiance. Paradoxalement, si la FFCAM, de part la rigueur de son mode de fonctionnement est sans doute la fédération qui a le plus besoin de ces cadres bénévoles,  il est surprenant de constater qu’elle est la seule fédération en charge des formations canyon qui à fait le choix de privilégier les professionnels au détriment de ses propres cadres bénévoles.

Le milieu fédéral et associatif en charge de l’activité canyon est un microcosme interactif où les pratiquants se rencontrent, échangent et se connaissent. Les évolutions techniques et les connaissances des uns ou des autres sont mutualisées et profitent à tous. Actuellement, les cadres bénévoles de la FFCAM et notamment les moniteurs et instructeurs sont au même niveau de compétence que leurs homologues des autres fédérations et de l’AFC ; c’est-à-dire ni meilleurs ni moins bons que la plupart des professionnels…. Ainsi peut se résumer de manière objective la réalité du terrain.

Dans ces conditions, compte-tenu du travail réalisé par la CFC en matière de formation depuis 20 ans, de la place de l’activité canyon en France et du rôle des instructeurs canyon dans toutes les autres fédérations du monde en charge des formations canyon, quel instructeur digne de ce nom, alors que c’est sa vocation et sa raison d’être, peut accepter de voir sa capacité à délivrer un brevet ou à recycler les cadres bénévoles des clubs, soumise à l’approbation d’un professionnel ?

Mais les paradoxes de la FFCAM ne s’arrêtent pas là.

À noter également qu’un moniteur canyon FFCAM peut obtenir par équivalence le statut de moniteur FFS ou FFME et devenir apte à valider des brevets dans ces fédérations et qu’à l’inverse, un moniteur FFS ou FFME qui rejoint la FFCAM, conserve son titre mais ne sera plus habilité à délivrer de brevet. Les cadres bénévoles de la FFCAM sont donc mieux considérés par les autres fédérations que par leur propre fédération.

La situation est d’autant plus malsaine que, pour pouvoir se conformer aux directives de leur direction, la Commission canyon FFCAM emploie le plus souvent soit ses propres instructeurs titulaires d’un diplôme d’Etat, ce qui génère immanquablement des conflits d’intérêts lorsqu’ils se font rémunérer, soit les instructeurs des autres fédérations titulaires d’un diplôme d’Etat ; situation pour le moins ubuesque qui discrédite encore plus nos instructeurs aux yeux de ces fédérations. 
Autre exemple révélateur : en 2019, en Isère, la direction de la FFCAM refuse à deux instructeurs la possibilité d’organiser un stage de recyclage en l’absence d’un professionnel alors qu’en même temps, dans une autre région, un professionnel n’a eu aucune difficulté pour réaliser seul un stage brevetant en l’absence de cadre bénévole de la CFC. Cette différence de traitement est d’autant plus révoltante que les cadres bénévoles jouent un rôle primordial en assurant la formation au sein des clubs ainsi que l’intégralité de l’encadrement de l’activité canyon dans les clubs CAF au quotidien, de manière rigoureuse. Sans bénévoles, l’activité canyon encadrée n’est plus possible dans la quasi-totalité des clubs. 

On remarque par ailleurs que la commission de spéléologie de la FFCAM a eu la présence d’esprit de ne pas se lancer dans la formation de ses cadres car elle aurait sans doute rencontré les mêmes problématiques liées à l’intervention des professionnels dans cette fédération. La commission spéléologie de la FFCAM fera le choix de confier la formation de ses propres cadres bénévoles aux cadres bénévoles de la Fédération Française de spéléologie (dans laquelle les professionnels n’interviennent pas). La FFCAM n’est donc pas opposée à ce que ses cadres bénévoles soient formés par d’autres cadres bénévoles… mais pas par les siens.

Cette situation met en lumière toute la difficulté pour une fédération multi-sports comme la FFCAM, de définir une politique générale qui puisse prendre en compte les spécificités de chaque activité. Parce que l’histoire de la professionnalisation de l’alpinisme ou de l’activité canyon et spéléologie, par exemple, est dissemblable tout comme leurs places dans le tissu social et économique Français. Cela impact inévitablement l’organisation des activités dans le milieu fédéral, car elle est influencée par une logique culturelle. Dans bien des domaines comme la spéléologie ou le canyoning, les cadres bénévoles des fédérations sportives ont démontré que la connaissance et la maîtrise technique ne sont pas l’exclusivité du milieu professionnel et qu’ils étaient capables de faire aussi bien si ce n’est mieux, raisons pour laquelle, la FFME et la FFS leurs ont confié la prise en charge des formations.

Par chance pour la FFCAM, ses cadres bénévoles en canyon, ne sont pas moins bons et tout aussi motivés et ambitieux que leurs homologues des autres fédérations. En tant que fédération de pratiquants bénévoles, la FFCAM se doit de les soutenir en priorité plutôt que de mettre en avant les professionnels qu’elle emploie.
Les cadres bénévoles canyon de la FFCAM ne sont pas les seuls à aspirer à davantage de reconnaissance et à considérer que les instructeurs fédéraux n’ont pas la place qu’ils méritent. En utilisant les professionnels comme unique référence sommitale dans les formations et en cantonnant les cadres bénévoles au second rôle, la FFCAM les place dans une impasse et en situation d’échec en les privant de toute autonomie et donc d’espoir d’être reconnus comme des formateurs à part entière.  Cela est d’autant plus frustrant et injuste pour les instructeurs canyon de la FFCAM qu’ils sont pénalisés pour des raisons qui finalement ne les concernent pas.
L’engagement des 7400 bénévoles de la FFCAM constitue sa force et ce qu’elle a de plus précieux, car ils sont les seuls à pouvoir représenter la culture fédérale et parce que, contrairement aux professionnels, les bénévoles ne s’achètent pas, ne sont astreints à rien et qu’en l’état actuel des choses, la FFCAM ne peut pas se passer de leur contribution si elle veut prospérer. 
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Le rôle des professionnels n’est pas de se substituer aux cadres bénévoles (sauf s’ils font défaut, ce qui n’est pas le cas). Il n’est pas non plus de constituer un obstacle pour les bénévoles désireux d’accomplir leur vocation de formateur à part entière et d’obtenir la reconnaissance légitime qu’ils sont en droit d’attendre de leur fédération. Cadres fédéraux et professionnels pourraient être complémentaires et œuvrer sereinement ensemble au sein de la FFCAM à deux conditions : que les instructeurs soient reconnus comme des formateurs à part entière au même titre que les professionnels et que le recours à un professionnel ne soit plus une obligation systhématique en présence d’un instructeur de la FFCAM. C’est une question de fierté, et en particulier pour une fédération soucieuse de briller par le savoir-faire de ses cadres bénévoles. Mais n’est-ce pas la vocation de toutes fédérations sportives ?
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(1)Pour obtenir par équivalence le brevet de moniteur fédéral canyon à la FFS, les professionnels de l’activité canyon doivent se conformer aux dispositions suivantes :
      1. fournir une lettre de motivation ainsi qu’une lettre de parrainage d’un moniteur canyon de la FFS attestant des compétences techniques du candidat qui devient moniteur stagiaire ; 
      2. participer à l’encadrement d’un stage de 5 jours non diplômant et être validé par un instructeur canyon de la FFS.
        À l’issue de cette procédure d’équivalence, le professionnel, devenu moniteur canyon, est apte à valider des brevets d’initiateur seul ou des brevets de moniteur en présence d’un instructeur de la FFS !!!(retour au texte) 
 
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Date de la publication : 11 juin 2019

Auteur : GOLA Olivier
– moniteur de spéléologie
– instructeur canyon FFS et FFCAM
– BE spéléologie et canyon
– DEJEPS canyon
– Premier président de la Commission Nationale Canyon de la FFCAM 1996/2000

Information complémentaire : en 2021, la FFCAM publie le mémento canyonisme. Ce memento initié et coordonné par la fondation Petzl sous l’égide de l’UIAA est le fruit d’un travail collectif. La FFCAM, le club alpin Belge, le Creps Rhône Alpes ont contribué à la rédaction de ce manuel à but pédagogique. Il renferme des savoirs techniques, des informations sur les caractéristiques du milieu, les bonnes pratiques qui permettent d’aborder cette activité́ avec des connaissances solides.

voir le mémento canyonisme

Etonnement, alors que la FFCAM, annonce l’arrivée de ce mémento comme étant l’outil fédéral de référence pour les initiateurs, moniteurs et instructeurs canyon en vus du développement de la pratique dans les clubs, il est surprenant de constater que les cadres bénévoles de la Commission Fédérale Canyon de la FFCAM n’ont jamais été informés de ce projet et encore moins conviés à donner leur avis et à y contribuer. La FFCAM fait fit de l’expertise de ses propres cadres bénévoles. C’est d’autant plus regrettable qu’ils sont les premiers concernés, qu’ils réalisent la construction de leurs propres outils de formations et leur propre école, pour parvenir à être enfin reconnu comme des formateurs à part entière, au même titre que leurs homologues des autres fédérations. Au final, la FFCAM est la seule fédération au monde de pratiquants bénévoles, en charge des formations canyon dont les instructeurs ne sont pas habilités à délivrer le moindre brevet sans le consentement d’un professionnel est aussi la seule où les professionnels dictent la manière dont les cadres bénévoles doivent enseigner cette pratique.


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